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Guerre, inflation, tensions géopolitiques : le climat économique est de plus en plus chaotique et incertain. Comment investir son argent dans une conjoncture si difficile ? Y a-t-il des opportunités à saisir ?

David Baverez est un investisseur avisé et l’auteur du livre Bienvenue en économie de guerre ! Au micro de Matthieu Stefani, il explique comment investir dans une économie chaotique.

## Juillet 2025 : Quelles sont les problématiques économiques actuelles ?

Nous vivons un moment historique inédit : pour la première fois en 30 ans, les trois principaux modèles de développement économique flanchent simultanément.

En Chine, le partenariat public-privé qui a fait la force du pays pendant 40 ans a disparu depuis 2022. Le capital privé est désormais sous contrôle étatique, et 100 % de la croissance est tirée par l’investissement public. Résultat : plus de création de valeur, avec un PIB qui, malgré les 5 % annoncés, est en réalité au mieux à zéro, voire négatif.

Aux États-Unis, c’est la fin de la course à l’endettement public qui soutenait la croissance depuis 2008. Depuis 2020, la croissance du PIB américain est exactement égale à celle de l’endettement public. Quand les dépenses d’intérêts sur la dette souveraine dépassent le budget militaire, on perd toute crédibilité géopolitique. Avec les taux actuels de 4,5 %, les intérêts sur la dette représenteraient 6 % du PIB, soit deux fois le budget militaire.

En Europe, notre modèle « d’auto-stoppeur », basé sur les dépendances, s’effondre. Nous avons sous-traité à la Chine tout ce que nous ne voulions plus faire, créant un pouvoir d’achat artificiel grâce aux produits chinois bon marché. Mais cette sous-traitance est devenue une dépendance mortelle : pour la transition environnementale, nous dépendons du colon industriel chinois ; pour la révolution numérique, du colon numérique américain. Résultat : nous entrons en stagflation, le pire des régimes pour investir, avec une pression à la baisse sur les chiffres d’affaires et une pression à la hausse sur les coûts.

## Comment investir dans cet environnement chaotique ?

Le chaos est bon pour investir si l’on sait le décrypter. Dans cette nouvelle économie de guerre, il faut identifier les goulots d’étranglement à la production : c’est là que se trouve la valeur. Prenons les terres rares : elles représentent seulement 150 à 170 € par voiture, mais sans elles, impossible de produire des moteurs électriques. Ces importations ne pèsent que 200 millions de dollars sur un PIB américain de 33 000 milliards, mais elles peuvent « foutre le bordel partout ».

Selon David Baverez, la stratégie gagnante pour les entreprises consiste à remplacer le produit par la fonctionnalité. L’exemple des parfums en Chine l’illustre parfaitement : au lieu d’acheter un sac de luxe à 12 000 dollars, les jeunes Chinoises mélangent quatre parfums à 300 dollars chacun pour créer une senteur unique. Résultat : elles divisent leur structure de coûts par 10 tout en étant plus efficaces. Même logique avec les drones ukrainiens qui détruisent des chars à 8 millions d’euros pour quelques milliers d’euros.

Enfin, David Baverez privilégie l’investissement dans le premier centile de chaque classe d’actifs (le top 1 % de meilleure qualité). Selon lui, il faut investir dans les entreprises dont on ne peut pas se passer, comme SAP, L’Oréal ou Schneider Electric. Ces sociétés ont le pricing power nécessaire pour répercuter l’inflation sur leurs prix.

## Quels sont les pièges à éviter ?

David Baverez alerte sur la greedflation, cette inflation par l’appât du gain où les entreprises augmentent leurs prix sans améliorer la valeur perçue. Le luxe en est l’exemple parfait : après des années d’augmentations démesurées, la demande s’effondre. Selon lui, ce qui a marché ces dix dernières années ne fonctionnera plus dans les dix prochaines.

L’immobilier traditionnel est devenu un piège mortel, explique l’expert. À Paris, des propriétaires louent à des locataires qui ne paient pas et qu’ils ne peuvent pas expulser. Les loyers sont bloqués, les taxes explosent, et seul 1 % des Parisiens peut s’offrir 100 mètres carrés sans héritage. L’affordabilité (prix par rapport au revenu disponible) n’a plus aucun sens. Aux États-Unis, l’acheteur moyen a aujourd’hui 55 ans, contre 35 ans pour la génération précédente.

David Baverez met en garde contre les value traps, ces entreprises qui promettent de bons dividendes sans croissance. Quand tous les coûts explosent, ces dividendes fondent comme neige au soleil. Les ETF classiques sont également à proscrire : ils ont fait +10 % parce que les indices montaient, mais si les indices stagnent pendant cinq ans, les ETF aussi.

Le piège ultime, selon l’investisseur ? L’inflation, qui ruinera les épargnants sans qu’ils s’en rendent compte. Comme après 1945, nous aurons des taux d’intérêt réels négatifs : les placements rapporteront 2 %, tandis que l’inflation sera à 5 %. Avec l’effet composé, les épargnants perdront un tiers de leur patrimoine en cinq ans, tout en croyant que « tout va bien » parce que leur retraite sera toujours de 2 000 € par mois.

Ils citent les références suivantes :

Ainsi que d’anciens épisodes de La Martingale :

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