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Pourquoi hésitez-vous si longtemps avant d’investir ? Pourquoi vendez-vous toujours au mauvais moment et achetez-vous au plus haut ? Les biais cognitifs expliquent la plupart de nos erreurs financières.

Pierre Blanchet est responsable des solutions d’investissement retail chez Amundi. Au micro de Matthieu Stefani, il nous dit tout sur les biais cognitifs.

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif est un raccourci mental que notre cerveau utilise pour traiter rapidement l’information et prendre des décisions dans des situations complexes ou incertaines. Ces mécanismes psychologiques, développés au cours de l’évolution humaine, nous permettent de réagir instantanément face au danger ou à l’opportunité.

Dans le contexte de l’investissement, les biais cognitifs influencent nos choix financiers de manière souvent inconsciente, nous poussant à privilégier certaines informations tout en en négligeant d’autres. Ils résultent de notre tendance naturelle à simplifier la réalité complexe des marchés financiers pour la rendre plus facilement compréhensible. Bien que ces raccourcis mentaux puissent parfois nous aider à prendre des décisions rapides, ils peuvent également nous conduire à des erreurs systématiques d’appréciation, particulièrement dans un environnement aussi sophistiqué que les marchés financiers, où l’émotion et la rationalité s’affrontent constamment.

Distinguer les biais positifs des biais négatifs

Tous les biais cognitifs ne sont pas néfastes pour l’investisseur, et il est crucial de savoir distinguer ceux qui peuvent nous aider de ceux qui nous desservent. Les biais positifs incluent certaines formes de prudence raisonnée qui nous protègent des risques excessifs, ou encore l’optimisme modéré qui nous encourage à investir sur le long terme malgré les fluctuations temporaires. La diversification instinctive, par exemple, peut être vue comme un biais positif qui nous pousse naturellement à ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.

À l’inverse, les biais négatifs sont ceux qui nous font systématiquement prendre de mauvaises décisions : l’aversion excessive au risque qui nous fait manquer des opportunités, la surconfiance qui nous pousse à prendre des risques démesurés, ou encore le biais de confirmation qui nous fait ignorer les signaux contraires à nos convictions.

L’objectif n’est donc pas d’éliminer tous les biais — ce qui serait impossible — mais d’apprendre à identifier et maîtriser ceux qui nuisent à nos performances financières tout en conservant ceux qui nous protègent.

Quels sont les principaux biais cognitifs de l’investisseur ?

Les investisseurs particuliers sont particulièrement vulnérables à plusieurs biais cognitifs récurrents qui impactent directement leurs performances :

Le biais de confirmation : rechercher uniquement les informations qui confirment ses convictions existantes, en ignorant systématiquement les signaux d’alarme ou les analyses contraires.
Le biais de confiance : surestimer ses capacités de prédiction et prendre des risques excessifs après quelques succès initiaux, en oubliant que ces gains peuvent être dus au hasard plutôt qu’à une réelle expertise.
Le biais de momentum (FOMO) : acheter au plus haut par peur de rater une opportunité, souvent alimenté par les médias ou les réseaux sociaux.
L’effet de troupeau : suivre aveuglément la masse sans analyse personnelle, achetant dans l’euphorie et vendant dans la panique.
L’ancrage mental : se focaliser sur le prix d’achat initial et refuser de vendre à perte, même quand les fondamentaux se dégradent.
Le biais de représentativité : extrapoler mécaniquement les tendances récentes sans analyser les changements de contexte.
L’aversion à la perte : ressentir la douleur d’une perte deux fois plus intensément qu’un gain équivalent, ce qui pousse à conserver les perdants et à vendre trop tôt les gagnants.

Les risques liés à l’aversion à la perte

L’aversion à la perte représente l’un des biais les plus destructeurs pour la performance des investisseurs particuliers. La douleur ressentie lors d’une perte étant deux fois plus intense que le plaisir d’un gain équivalent, elle conduit souvent à adopter des comportements irrationnels : conserver trop longtemps des positions perdantes, vendre trop tôt les gagnantes, ou éviter tout risque en privilégiant des placements qui ne dépassent même pas l’inflation.

Cette asymétrie crée un effet ciseau : les pertes s’accumulent alors que les gains sont écourtés. À long terme, ce biais peut transformer des investisseurs prometteurs en épargnants frileux qui passent à côté des opportunités de croissance, augmentant paradoxalement le risque de ne pas atteindre leurs objectifs patrimoniaux.

Comment se protéger face aux biais cognitifs

La protection contre les biais cognitifs passe d’abord par la prise de conscience de leur existence et de leur impact sur nos décisions d’investissement. Il est essentiel de mettre en place des règles de gestion strictes et de s’y tenir, notamment en définissant à l’avance des seuils de stop-loss et des objectifs de prise de bénéfices pour éviter les décisions émotionnelles.

La diversification constitue un rempart naturel contre de nombreux biais en réduisant l’impact des erreurs sur des titres individuels. L’automatisation des investissements, via des plans d’épargne programmés par exemple, permet de contourner les biais liés au timing du marché. Il est également crucial de chercher activement les informations qui contredisent nos convictions et de remettre régulièrement en question nos positions.

L’accompagnement par un conseiller financier compétent peut s’avérer précieux, car un regard externe et objectif aide à identifier nos points aveugles. Enfin, tenir un journal de ses décisions d’investissement avec les motivations qui les sous-tendent permet d’analyser a posteriori ses erreurs récurrentes et d’améliorer progressivement son processus décisionnel. La clé réside dans l’humilité et la discipline : accepter que nous sommes tous sujets aux biais et mettre en place des garde-fous systématiques pour les limiter.