En France, l’immobilier occupe une place à part. Acheter, louer, transmettre : la pierre reste au cœur du patrimoine des ménages. Mais cette préférence historique conduit à une question de fond — sommes-nous trop exposés à ce marché, au détriment des autres formes d’investissement ? Entre effet de levier, diversification et nouvelles formules comme la pierre-papier, les experts d’Allô la Martingale font le point sur la juste place de l’immobilier dans un portefeuille équilibré.

Un réflexe typiquement français

Les Français entretiennent une relation presque instinctive avec l’immobilier. Acheter sa résidence principale fait partie des grands objectifs de vie, souvent dès les premières années d’activité. Pourtant, cette préférence pour la pierre pose question. Comme le remarque Thomas dans sa question adressée à l’équipe, investir si tôt et si massivement dans l’immobilier conduit à immobiliser une grande partie de son capital — et donc à retarder l’investissement dans d’autres classes d’actifs comme les actions ou les ETF.

Amaury de Tonquédec ouvre le débat : si cette étude affirmant que 58 % des Français espèrent s’enrichir grâce à l’immobilier est discutable, le sujet reste pertinent. Car derrière cette préférence nationale, se cache une vraie question d’équilibre patrimonial.

L’effet de levier, un atout majeur

Romain Joudelat rappelle que l’immobilier demeure un outil privilégié pour se constituer une fortune. En France, il existe deux manières d’accroître son patrimoine : l’épargne progressive, ou l’usage du crédit bancaire.

« Avec le levier bancaire, on peut emprunter pour investir. C’est normal, et même conseillé d’avoir une forte part d’immobilier quand on démarre. »

L’effet de levier permet d’investir une somme importante sans disposer immédiatement du capital correspondant. Ce mécanisme explique pourquoi une grande partie du patrimoine des ménages est concentrée dans l’immobilier, souvent entre 70 et 90 %.

Mais selon lui, cette proportion doit évoluer avec le temps. En phase de capitalisation, l’immobilier joue surtout un rôle de diversification. Dans une allocation multi-actifs, il estime son poids optimal entre 0 et 20 %.
À l’approche de la retraite, il devient intéressant de privilégier des actifs générateurs de revenus réguliers. L’immobilier y trouve alors pleinement sa place, notamment grâce à la visibilité et la distribution qu’il offre. Il peut aussi servir d’outil de transmission patrimoniale, en permettant de réduire la valeur taxable lors d’une succession.

Une passion culturelle autant que financière

Paul Bourdois confirme que les Français restent parmi les plus grands investisseurs immobiliers du monde.

« On est et on restera toujours surexposés à l’immobilier par rapport à d’autres nationalités. »

Cette tendance ne s’explique pas seulement par la logique économique, mais aussi par la culture et l’histoire. En France, posséder son logement reste un symbole de réussite et de sécurité.
Ce rapport émotionnel à la pierre n’est pas nécessairement un défaut : l’immobilier comprend des réalités très diverses — résidences principales, secondaires, biens commerciaux ou placements collectifs — qui permettent de moduler son exposition selon ses moyens et ses objectifs.

Bourdois rappelle d’ailleurs une observation ancienne : selon une étude citée dans Le Monde diplomatique, aucune grande fortune française ne s’est bâtie sans passer, d’une manière ou d’une autre, par l’immobilier.

La pierre-papier : investir sans posséder

Pour Amaury de Tonquédec, la pierre ne se limite pas à l’achat d’un bien physique. Il existe des façons de s’exposer au marché sans en subir les contraintes : c’est ce qu’on appelle la pierre-papier.

Romain Joudelat la définit comme la possibilité d’investir dans un portefeuille d’immeubles via des supports collectifs, souvent des SCPI ou des foncières cotées.

« On peut souscrire en ligne ou via un bulletin, et devenir copropriétaire d’un ensemble immobilier. »

Amaury simplifie : « C’est comme si cent personnes achetaient un immeuble ensemble. Chacun détient une part et perçoit une fraction des loyers. »

SCPI ou foncières cotées : deux approches complémentaires

Paul Bourdois précise que les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) regroupent les épargnants autour d’un portefeuille de biens professionnels — bureaux, commerces, entrepôts. En contrepartie, les investisseurs reçoivent des revenus réguliers issus des loyers.

La foncière cotée, explique Romain Joudelat, repose sur le même principe, mais ses parts sont échangées en bourse. Cette différence majeure lui confère une liquidité supérieure, mais aussi une volatilité plus importante.

« Là où les SCPI évoluent lentement, la foncière cotée varie tous les jours, comme une action. »

Amaury résume : la SCPI, c’est du non coté, donc plus stable mais moins liquide ; la foncière cotée, c’est du coté, donc plus réactif aux marchés.

Des marchés immobiliers très différents

Romain Joudelat invite à la prudence : il n’existe pas un seul marché immobilier, mais plusieurs.

« Il y a quinze ans, tout marchait. Aujourd’hui, il faut être beaucoup plus sélectif. »

Les SCPI sont composées à environ 95 % d’immobilier commercial, dont une majorité de bureaux (50 à 65 %), complétés par du commerce, de la logistique ou de l’hôtellerie.
Les foncières cotées, elles, intègrent également du résidentiel, notamment en Allemagne, qui représente près de 30 % de leur capitalisation.

Cette diversité montre qu’investir dans l’immobilier ne signifie pas forcément acheter un appartement en France : il s’agit d’un ensemble de marchés très différents, chacun avec ses dynamiques et ses risques.

En conclusion

L’immobilier reste profondément ancré dans la culture financière française. Son attrait repose autant sur la sécurité perçue que sur la puissance du levier bancaire.
Mais s’y exposer ne doit pas se faire sans réflexion : la proportion d’immobilier dans un patrimoine dépend de l’âge, des objectifs et du besoin de revenus réguliers.
Et pour ceux qui souhaitent diversifier sans acheter de bien physique, la pierre-papier — via SCPI ou foncières cotées — offre une porte d’entrée accessible et encadrée.

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